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  • ICEB Café | 31 mars 2014 – Les usages de l’énergie

    INTERVENANTS

    Jacques Fradin, directeur de l’Institut de Médecine Environnementale (IME)

    Philippe Comte, designer,fondateur de Guliver Design, enseignant à l’Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle


    SUJET

    L’IME, fondé et dirigé par Jacques Fradin, fait de la recherche qui croise la neurologie et la psychologie pour étudier les comportements humains et imaginer des solutions pour dépasser les résistances au changement.

    Il réfléchit notamment aux moyens cognitifs d’inciter les citoyens à adopter des attitudes en faveur du développement durable.

    A ce titre, Jacques Fradin va mener, à la fin 2014, en partenariat avec l’OPAH, la Ville de Paris et l’Agence parisienne du climat, une étude sur les comportements des habitants face à l’énergie, afin d’évaluer les économies d’énergie possibles si on agit sur tel ou tel aspect des usages.

    Dans le même esprit, l’IME a réalisé, il y a trois ans, une étude avec le cabinet Ethicity, spécialisé dans le marketing durable, sur les comportements de consommation. Trois grandes dimensions, sans corrélation avec les catégories socio-professionnelles, sont apparues :

    • Les personnes qui ont une attitude tournée vers le développement durable possèdent les aptitudes suivantes : curiosité, souplesse, nuance, capacité à relativiser, rationalité (relations entre causes et effets), perception du risque à long terme (et pas seulement avantages et inconvénients à court terme). Elles sont donc dans un processus réflexif (pourquoi, à quel besoin ça répond ?) et ont une capacité d’adaptation (le mode adaptatif), c’est à dire à l’opposé de réactions automatiques qui ne sollicitent pas les mêmes 100 milliards de neurones.
    •  Une personne passionnée est plus visionnaire et est encline à avoir des comportements durables.
    • Moins une personne est dans la compétition et le rapport de force, plus elle adopte des comportements durables.

    Jacques Fradin explique qu’en thérapie comportementale, on fait d’ailleurs changer les gens sur ces trois dimensions.

    En ce qui concerne les enjeux écologiques, certaines informations ont tendance à enfermer les individus dans la peur et dans un sentiment d’impuissance. Il se demande donc si des ambassadeurs de l’énergie (comme les jeunes en service civique du programme Mediaterre mis en place par l’association Unis-Cité) seraient opportuns pour faire changer les gens. En effet, l’empathie avec la personne qui donne des informations peut permettre de faciliter l’acceptation de comportements plus durables.

    Il semble que la force du groupe soit un moyen d’inciter les gens à adopter des comportements durables.

    En fait, il apparaît nécessaire d’introduire des nuances pour résoudre une question nouvelle plutôt que de proposer un choix binaire, même si le mode adaptatif peut être angoissant car on se crée des problèmes et si 80 % des individus ne veulent pas changer si c’est compliqué.

     

    Philippe Comte

    La Cité du Design, soutenue par le PUCA (Plan urbanisation construction architecture) et l’Ademe, a mené une recherche, confiée à Marie-Haude Caraës et Philippe Comte, sur les innovations par les usages (par opposition à l’innovation technique) dans le logement social, et plus spécifiquement sur la réduction de la précarité énergétique dans l’habitat d’insertion.

    La recherche en design nécessite une démarche créative afin de comprendre le sens des usages et l’évolution des pratiques ; et imaginer et concrétiser les modes de vie de demain par des objets, des services et des environnement.

    Elle nécessite une méthodologie propre qui place l’individu au centre des préoccupations et des résolutions, et permet d’articuler la théorie et la conception, et ainsi de produire du sens.

    Etape 1 : contextualiser

    L’état de l’art recense, classe et décrit les pratiques énergétiques singulières et les artefacts ou dispositifs qui accompagnent ces usages. Les projets recensés sont issus des champs du design, de l’archi­tecture, de l’ingénierie et de l’art contem­porain.

    Etape 2 : enquêter avec quatre designers et quatre sociologues, pendant 13 mois

    Etude des usages énergétiques de 27 foyers en précarité énergétique.

    L’enquête tente de comprendre la dimen­sion sociale de la consommation d’énergie ou du dispositif technique de réduction de cette consommation dans une perspec­tive culturelle et sociale. Il s’agit de mettre en évidence le fait que la façon dont les gens utilisent ces techniques est tribu­taire du processus de socialisation propre à chaque famille, qui témoigne lui-même de son inscription dans un contexte social, économique et politique particulier. Dans cette perspective, les valeurs, les attitudes, les usages, les modes de vie occupent une place décisive. En partant des pratiques et des usages, l’enquête cherche aussi à saisir les trajectoires résidentielles, les constructions de l’histoire de la famille et des individus qui la compose.
    Il est constaté que les personnes étudiées ont des habitudes, vivent beaucoup chez elles et sortent peu.

    Etape 3 : analyser les retours d’enquête sur la luminosité et la température perçues

    Les usages énergétiques déclarés sont tiraillés entre un désintérêt (avec une représenta­tion approximative de la consommation et des usages) et une vision idéalisée, normalisée du rapport aux différentes techniques et aux habitudes de consommation. L’itinéraire de vie et le poids journalier des préoccupations financières, sociales conditionnent fortement la perception des machines domestiques qui occupent et fonctionnalisent l’habi­tat. Les habitants procèdent à tâtons à l’appropriation de leur domicile et des objets qui le composent, sur la base de prises que fournit l’espace qu’ils occupent et des conditions sociales et culturelles qui sont les leurs.

    Il y a quatre leviers qui ressortent pour l’étape de la conception :

    1. L’accès à l’information : facturation et nécessité d’un référent énergie
    2. Le contrôle de la chaleur
    3. Le triptyque Logement/Energie/Santé
    4. Le rapport social et culturel à l’énergie

    Etape 4 : Concevoir

    Suite aux trois étapes précédentes, les auteurs de l’étude ont créé le concept EGAL : énergie garantie aux locataires www.egal.citedudesign.com

    Il repose sur le principe qu’il faudrait une énergie minimale du bâtiment rattachée à la responsabilité du bailleur et une énergie de confort sous la responsabilité du locataire.

    Sur les 27 foyers, les personnes maîtrisaient bien leur consommation alimentaire sur le plan financier, mais pas celle de l’énergie.

    L’étude s’est intéressée à la relation entre bailleur et locataire :

    • La difficulté d’accès à l’information en temps réel sur la consommation énergétique, notam­ment avec le principe de facturation mensua­lisé, empêche de maîtriser sa consomma­tion. Cette incertitude angoissante entraîne chez certains locataires le passage à des solutions risquées comme la coupure du chauffage central et l’emploi de moyens alter­natifs à pétrole.La solution serait de fixer un seuil hebdomadaire ou mensuel grâce à un relevé de compteur par téléphone. Une nouvelle répartition des droits et devoirs du bailleur et du locataire nécessite ou peut stimuler d’autres démarches : véritable diagnostic de performances énergétiques du logement, co-génération énergétique, déve­loppement d’équipements de chauffage satel­lite, intérêt à proposer des logements ayant un bon rendement énergétique ou à des rénovations permettant des économies d’énergie sur le long terme, etc.
    •  La maitrise de la consommation peut être améliorée grâce à une interface de pilotage par les usages : les gens doivent raconter leur vie pour que les appareils se pilotent automatiquement.
    • En ce qui concerne l’isolation, le bailleur pourrait accompagner les usages pour isoler telle ou telle pièce et la maintenir de bonne qualité car, en hiver, des gens se concentrent dans une pièce principale.
    • L’enjeu de la température perçue est fondamental. Les ajustements se font de manière empi­rique sans référence directe aux activi­tés et trop souvent, sans certitude sur la valeur de la manipulation qui ne prend pas en compte, par exemple, les notions d’inertie. Il faudrait proposer une forme facile d’appréhen­sion du besoin de chaleur par la manipu­lation de paramètres en relation directe avec les usages de l’habitant.

     


     QUESTION – RÉPONSES AVEC LA SALLE 

    Des participants estiment qu’il faut un juste milieu entre l’utilisation d’outils technologiques et la simplicité de leur fonctionnement pour les habitants.

    Philippe Comte estime que l’enjeu est d’expliquer les impacts de leurs gestes aux gens, et de bien identifier leurs besoins et usages.

    Un parallèle a été fait avec le succès des ambassadeurs pour le tri des déchets.

    Philippe Comte explique que son étude montre que l’information et les ambassadeurs sont nécessaires, mais aussi qu’il faut s’adapter aux usages des gens.

    Jacques Fradin estime que des ambassadeurs doivent être formés à la technique et aux usages culturels.
    Il ajoute que la précarité énergétique a également des effets en termes de santé publique puisqu’elle cause des maladies respiratoires, en particulier chez les enfants, les personnes fragiles par l’âge ou une maladie.

     


    LIEU
    La Maison de l’architecture en Île-de-France
    148 rue du Faubourg Saint-Martin, 75010 Paris
    M° Gare de l’Est (lignes 4, 5, 7) / Bus Gare
    de l’Est (lignes 30, 32, 46, 56, 65, 38, 47, 39, 31)
  • iceb café
    26 Fév 2024 à 18h00

    Mobilités : impacts et perspectives, avec Frédéric Héran

    libre

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